1st October 2025

[FR] Dans la peau d’Arthur Rimbaud : Amours interdites, regards du monde et langages changeants

Ce qui suit est une humble élucubration : je me suis glissé dans la peau d’Arthur Rimbaud — rien que ça ! — pour tenter d’explorer ses pensées, ses désirs, et le regard d’une société qui, à son époque, n’avait pas les mots ni la tolérance d’aujourd’hui. Un exercice de style, un pari d’empathie, pour mieux comprendre un poète hors norme et son époque troublée. À lire avec curiosité et un brin d’indulgence ! 

Léo

Introduction

Je suis Arthur Rimbaud. Poète, enfant prodige, révolutionnaire des mots et des âmes, j’ai brûlé ma jeunesse d’une flamme fulgurante et insoumise. Mais mon histoire ne se résume pas à mes vers enfiévrés, elle s’incarne aussi dans une passion intense et tumultueuse, celle qui m’a uni à Paul Verlaine. Une liaison qui, à son époque, fut regardée avec méfiance, scandale et incompréhension. Mon rapport à la société, à ses normes, à ses jugements, a été façonné par cette relation autant que par mes errances littéraires. Et, aujourd’hui, quand on revisite notre histoire, la sémantique même, les mots pour décrire ce que nous étions, ont profondément changé. Permets-moi de te guider dans ce voyage au cœur de cette passion, du regard extérieur qui l’a scrutée, et de l’évolution des mots qui la nomment.

1. Un jeune homme hors normes : la singularité de mon être

Je suis né en 1854, dans un monde qui attendait de moi l’obéissance aux règles sociales, aux conventions de l’époque. Mais je n’ai jamais été de ceux-là. À douze ans, j’écrivais déjà des poèmes qui troublaient mes professeurs. Ma jeunesse fut marquée par un désir d’échapper à la médiocrité provinciale, à la banalité attendue.

Dans ce monde où le conformisme régnait, ma personnalité, mon esprit libre, et mes désirs sortaient du cadre. Dès mon plus jeune âge, mes écrits témoignent d’une sensibilité et d’une complexité que beaucoup ne comprenaient pas. Plus encore, certains chercheurs ont noté que des thèmes liés au désir envers les hommes apparaissaient dans mes poèmes, parfois voilés, codés, mais bien présents.

L’adolescence fut un temps d’exploration intérieure, d’énigmes sur mes propres désirs. Vivant dans des cercles littéraires et bohèmes parisiens, j’étais immergé dans un univers où la transgression des normes n’était pas rare, où la sexualité, l’identité et les mœurs étaient matière à débat ou à mystère. Mais, en vérité, peu savent ce qui se tramait dans l’intimité de ces relations.

2. La rencontre avec Verlaine : une passion hors normes

En 1871, ma vie bascule. C’est la rencontre avec Paul Verlaine, poète et homme complexe, qui marquera à jamais mon destin. Il avait 27 ans, moi 16. Entre nous s’est nouée une liaison passionnée, orageuse, souvent violente, mais toujours pleine d’une intensité rare.

À cette époque, la société ne nommait pas encore clairement ce que nous étions pour beaucoup. Les mots manquaient, ou étaient empreints de jugement et de condamnation. Notre liaison fut perçue comme une « pédérastie », terme alors usuel pour décrire une relation amoureuse ou sexuelle entre un adulte et un adolescent — avec une forte connotation négative. Pour la société conservatrice et moralisatrice du XIXᵉ siècle, cette relation était illégitime, voire scandaleuse.

Mais pour moi, Verlaine n’était pas un agresseur, ni un prédateur. C’était mon égal, mon alter ego, mon complice poétique. Nous partagions une quête d’absolu, une révolte contre le monde et ses hypocrisies. Pourtant, notre relation n’était pas sans drames. Verlaine, fragile et tourmenté, tira un jour deux coups de revolver sur moi. L’acte eut des conséquences judiciaires lourdes, non seulement parce que j’étais blessé, mais aussi parce que nous vivions une relation interdite aux yeux du monde.

3. Le regard de la société au XIXᵉ siècle

À cette époque, la société française était empreinte d’un conservatisme rigide. Le code Napoléonien avait aboli la criminalisation explicite de l’homosexualité en 1791, mais les mœurs restaient sévères, et l’homosexualité, même non réprimée par la loi, était stigmatisée socialement.

Dans d’autres pays, comme la Belgique où se déroula le procès, les lois sur les « outrages aux mœurs » rendaient possible la condamnation des actes homosexuels, même consentis. Le fait que j’étais mineur (18 ans alors que la majorité était fixée à 21 ans) fut aussi un facteur aggravant pour Verlaine dans son procès.

Le langage employé alors pour nommer ce que nous vivions était chargé de préjugés. Les termes comme « pédérastie » évoquaient la déviance et le crime moral, sans nuances. La société refusait de voir nos sentiments comme une expression normale de la diversité humaine. On me considérait comme un jeune homme égaré, vulnérable, que Verlaine avait corrompu. Un rapport de domination supposé, plus qu’une liaison libre et partagée.

4. L’évolution de la sémantique : des mots qui libèrent

Avec le temps, les mots ont changé. Ce qui fut « pédérastie » au XIXᵉ siècle s’appelle aujourd’hui « homosexualité », un terme neutre, clinique, qui désigne simplement une orientation sexuelle.

Mais même cette évolution ne suffit pas à décrire toute la complexité de notre relation. Aujourd’hui, on parlerait sans doute de relation homosexuelle, ou plus largement de relation amoureuse entre deux hommes. On ajoute les notions de consentement, d’âge légal, de respect mutuel, concepts qui n’étaient pas au centre du discours social de mon époque.

Par ailleurs, les mots liés aux âges et à la majorité ont évolué. Aujourd’hui, en France, l’âge de la majorité est 18 ans, et l’âge de consentement est fixé à 15 ans, ce qui modifie la façon dont une relation comme la nôtre serait perçue et jugée légalement.

Cependant, malgré cette modernisation lexicale et juridique, des controverses persistent, notamment autour du pouvoir, de la différence d’âge, et des dynamiques de domination possibles. Les chaînes d’information, les débats publics reflètent souvent des attitudes qui, en certains points, rappellent les jugements d’antan.

5. Ce que fut ma relation avec Verlaine, vraiment

Je refuse la simplification. Je refuse qu’on réduise notre liaison à une question de « pédérastie » au sens accusateur et déshumanisant. Ce fut une relation passionnelle, douloureuse, vraie, unissant deux esprits en révolte et en recherche.

Il y eut certes des violences — matérielles, psychologiques — et un déchaînement d’émotions brutes. Mais il y eut aussi la complicité poétique, les échanges littéraires, les moments de grâce et d’extase créative.

Ce fut aussi un apprentissage, pour moi, sur les désirs, les limites, et le poids du regard extérieur. Une expérience qui a profondément marqué ma vie, mon œuvre, et qui continue d’interroger.

6. Les zones d’ombre : avant Verlaine, et après

Certains chercheurs supposent que j’ai pu avoir d’autres relations homosexuelles, avant ou après Verlaine, notamment avec Germain Nouveau ou un serviteur africain, Djami Wadaï. Mais rien n’est établi avec certitude.

Mon œuvre, parfois codée, laisse transparaître des désirs, des attirances qui dépassent la simple amitié. Mais l’absence de preuves concrètes, de témoignages explicites, rend toute affirmation prudente.

Il faut comprendre que vivre une sexualité hors norme à mon époque, c’était aussi souvent devoir la cacher, la camoufler, la tenir secrète. Les silences, les non-dits sont souvent la face cachée de nos existences.

Conclusion

Regarder ma vie et mon œuvre aujourd’hui, c’est comprendre la complexité d’un jeune homme à la fois génial, rebelle, sensible, et passionné, évoluant dans un monde hostile à ce qu’il était.

Ma liaison avec Paul Verlaine fut une aventure humaine et poétique, mais aussi un combat contre les jugements, les préjugés, et les lois d’une époque.

Les mots que l’on emploie pour parler de cette histoire ont évolué, de la stigmatisation du XIXᵉ siècle à une reconnaissance plus nuancée et respectueuse aujourd’hui. Pourtant, les débats sur les rapports de pouvoir, la légalité, et la morale continuent de faire rage.

Je suis Rimbaud. Je fus cet éclat de révolte dans une époque figée. Je fus ce poète qui osa aimer hors des cadres imposés. Et c’est là, peut-être, la part la plus vraie de mon histoire.

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