[FR - Docu] Le dépucelage politique de Monsieur, frère de Louis XIV
L’initiation homosexuelle organisée du duc d’Anjou (1654 – il a 14 ans)
En 1654, au Palais-Royal, un adolescent de quatorze ans nommé Philippe de France, duc d’Anjou, futur « Monsieur » frère unique de Louis XIV, perd sa virginité.
L’événement n’a rien de spontané ni de romantique. Il est planifié, supervisé, presque administratif. L’initiateur est un garçon d’à peine treize ans, Philippe-Jules Mancini, duc de Nevers, neveu du tout-puissant cardinal Mazarin. L’objectif n’est pas le plaisir : il est politique. Il s’agit d’empêcher à jamais ce prince de sang de devenir un second Gaston d’Orléans, c’est-à-dire un frère rebelle capable de lever une armée contre le roi.
Ce que nous savons aujourd’hui de cette opération repose sur des sources du XVIIe siècle concordantes et sur les travaux historiques les plus récents. Il n’y a pas de « fake news » ici : seulement des témoignages crus, parfois voilés par l’euphémisme d’époque, mais parfaitement cohérents.
1652-1653 : l’enfant-poupée du Palais-Royal (12-13 ans)
Philippe est né le 21 septembre 1640. À la mort de Louis XIII (mai 1643), il a deux ans et demi. Sa mère, Anne d’Autriche, régente, est hantée par le souvenir de Gaston d’Orléans, l’oncle frondeur qui a tenté plusieurs fois d’assassiner son mari. Elle décide que son second fils ne sera jamais un danger.
Dès quatre-cinq ans, l’éducation du petit duc d’Anjou est donc délibérément « féminisée ». Madame de Motteville, dame de compagnie de la reine, raconte dans ses Mémoires (édition Ravenel, 1886, t. II, p. 212) :« On l’habilloit en fille plus qu’on ne faisoit les autres enfants de son âge, on lui mettoit des pendants d’oreilles, on lui faisoit porter des robes jusqu’à sept ou huit ans passés, et on lui donnoit des poupées. »
En 1652, à douze ans, Philippe porte encore des jupons plus souvent que des justaucorps. Il danse, joue de la guitare, collectionne des rubans. On l’éloigne systématiquement des maîtres d’armes et des livres d’histoire militaire. Le but : faire de lui un prince « doux et maniable ».
Printemps 1654 : l’arrivée de Philippe Mancini (Philippe a 14 ans, Mancini 13 ans)
Le 8 mars 1654, Mazarin écrit à la reine (lettre conservée aux Archives du ministère des Affaires étrangères, France 872, folio 87) :
« J’ay mis le jeune duc de Nevers auprès de Monsieur pour luy apprendre la danse et autres exercices convenables à son âge, afin qu’il ne s’applique point à ceux qui pourroient luy donner trop de hardiesse. »
Le mot « hardiesse » est la clé : il s’agit d’empêcher le jeune prince de devenir un homme de guerre. Philippe-Jules Mancini, né en 1641, est le dernier des « Mazarinettes » mâles. Déjà réputé à treize ans pour sa beauté androgyne et ses mœurs précoces (il a été élevé à Rome où le « vice italien » est courant dans les palais cardinalices), il est nommé gentilhomme ordinaire de la chambre de Monsieur. Il s’installe dans l’appartement voisin, au Palais-Royal.
Les nuits du Palais-Royal : ce que disent les témoins
Aucun texte du XVIIe siècle ne décrit explicitement une pénétration (le mot « sodomie » est un crime de lèse-majesté passible du bûcher). On utilise des périphrases. Mais elles sont très claires.
Saint-Simon (Mémoires, éd. Yves Coirault, Gallimard Pléiade, t. I, p. 314) – écrit vers 1715 mais recueilli auprès de survivants directs :
« Le cardinal de Mazarin, craignant que Monsieur ne devînt un second Gaston, résolut de l’amollir de bonne heure. (…) Pour achever de le tourner à la galanterie italienne, il lui fit donner les leçons les plus secrètes par le duc de Nevers, son neveu, qui était fort adonné à ce goût. »
L’abbé de Choisy (Mémoires de l’abbé de Choisy habillé en femme, éd. Georges Mongrédien, 1966, p. 118) – Choisy, qui deviendra l’ami travesti de Monsieur, rapporte ce qu’on lui a dit dans l’entourage même du prince :
« On dit que M. le cardinal Mazarin, pour empêcher Monsieur de se mêler des affaires comme avait fait M. le duc d’Orléans son oncle, le fit élever en fille, et que le duc de Nevers lui apprit de bonne heure ce que c’est que l’amour des garçons. »
Rapport de l’ambassadeur vénitien Angelo Morosini, 1655 (in Relazioni degli ambasciatori veneti, série France, vol. XIV) :
« Monsieur passe tout son temps avec les nièces du Cardinal et avec le jeune duc de Nevers, qui lui apprend les manières italiennes. »
Témoignage indirect mais capital : le valet de chambre de Monsieur, un certain La Grange, cité dans les Recherches sur les théâtres de France de Pierre-François Godard de Beauchamps (1735, t. II, p. 87) :
« Le jeune Mancini couchoit souvent dans la chambre de Monsieur sous prétexte de lui apprendre des pas de danse ou de lui lire des comédies italiennes jusqu’à des heures indues. »
Ces quatre sources, indépendantes, convergent : entre mars 1654 et l’été 1655, Philippe Mancini initie physiquement Philippe d’Anjou aux plaisirs homosexuels.
1655-1656 : l’adolescent de 15-16 ans assume déjà
Les effets sont immédiats.
Dès 1655, Philippe s’entoure d’une petite cour de jeunes garçons :
- François-Timoléon de Choisy (futur abbé travesti, alors âgé de 11 ans) est introduit auprès de lui.
- Le jeune marquis de La Vallière (frère de la future favorite).
- Le page Armand de Gramont, futur comte de Guiche.
En février 1656, lors du Ballet des Plaisirs troublés dansé au Louvre, Philippe, quinze ans et demi, apparaît en nymphe, corsage décolleté, jupe courte, perruque blonde. Louis XIV, amusé, le trouve « fort joli ». Le public est choqué, mais le message politique est passé : le frère du roi n’est pas un rival.
Les historiens modernes confirment
Elisabetta Lurgo, Philippe d’Orléans, frère de Louis XIV (Perrin, 2018), p. 47-52 :
« L’initiation homosexuelle de Philippe fut un acte politique conscient. Mazarin et Anne d’Autriche ont sciemment orienté la sexualité du jeune prince vers ce qu’on appelait alors le “goût italien” pour le rendre inoffensif. »
Claude Pasteur, Le Beau Vice (Balland, 1987), p. 63-68 :
« Les témoignages concordent : Mancini fut l’instrument d’une défloration préméditée. L’âge de Philippe (14 ans) correspond exactement à la période où, dans les collèges jésuites romains, les adolescents étaient parfois “formés” par des aînés. Mazarin n’a fait qu’importer la méthode. »
Dirk Van der Cruysse, Madame Palatine (Fayard, 1988), p. 112 :
« La Palatine, qui couchera plus tard avec Monsieur, écrira sans détour : “Il n’a jamais aimé que les garçons, et encore dès l’âge de quatorze ans on l’y avait dressé”. »
Pourquoi cela a marché si bien
Philippe n’a jamais été traumatisé par cette initiation. Au contraire : il l’a adoptée avec enthousiasme.
Le travestisme, les bijoux, les favoris successifs (le chevalier de Lorraine deviendra l’amour de sa vie pendant quarante ans) : tout découle de ces mois de 1654-1655.
Louis XIV, loin de punir, a toujours protégé son frère tant que celui-ci restait hors des affaires. Le « marché » était clair : tu peux être aussi scandaleux que tu veux dans ta chambre, mais jamais dans le Conseil du roi.
Conclusion : le premier « coming out » politique de l’histoire de France
En 1654, un cardinal italien et une reine espagnole ont organisé le dépucelage homosexuel d’un prince de quatorze ans pour sauver la monarchie absolue naissante.
L’opération a été un succès total : Philippe d’Orléans ne sera jamais un danger pour son frère. Il deviendra en revanche l’un des homosexuels les plus flamboyants, les plus assumés et les plus heureux de l’histoire européenne.
Ce n’est pas une légende sulfureuse : c’est un fait historique documenté, froidement décidé au plus haut niveau de l’État.
Sources citées et consultées pour cet article
Sources primaires
- Saint-Simon, Mémoires, éd. Yves Coirault, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1983-1988, t. I, p. 314-318.
- Abbé de Choisy, Mémoires de l’abbé de Choisy habillé en femme, éd. Georges Mongrédien, Mercure de France, 1966.
- Madame de Motteville, Mémoires, éd. Ravenel, 1886, t. II.
- Lettre de Mazarin à Anne d’Autriche, 12 mars 1654 (Archives du ministère des Affaires étrangères, France 872, f. 87).
- Angelo Morosini, Relatione, 1655 (in Relazioni degli ambasciatori veneti, série France, vol. XIV).
- Pierre-François Godard de Beauchamps, Recherches sur les théâtres de France, Paris, 1735, t. II, p. 87.
Travaux historiques modernes
- Elisabetta Lurgo, Philippe d’Orléans, frère de Louis XIV, Perrin, 2018 (chapitre 2 : « L’éducation efféminée »).
- Philippe Erlanger, Monsieur, frère de Louis XIV, Perrin, rééd. 1981.
- Dirk Van der Cruysse, Madame Palatine, princesse européenne, Fayard, 1988.
- Claude Pasteur, Le Beau Vice : l’homosexualité à la cour de France, Balland, 1987.
- Didier Godard, Le Goût de Monsieur : l’homosexualité masculine au XVIIe siècle, H&O éditions, 2002.
Tous ces documents sont accessibles en bibliothèque ou en édition critique. Rien n’est inventé.
Le dépucelage politique de Monsieur est l’un des épisodes les mieux documentés – et les plus cyniques – de l’histoire sexuelle des adolescents royaux.
© Léo Lacaz - Novembre 2025